Pourquoi il est important que le Brésil construise un sous-marin à propulsion nucléaire

  • Dernière mise à jour le 16 avril 2009.

Voici un texte rédigé par l’amiral d’escadre Julio Soares de Moura Neto, commandant de la marine brésilienne, expliquant pourquoi la marine brésilienne veut construire un sous-marin nucléaire. La traduction du texte a été réalisée par la rédaction du Portail des Sous-marins.

L’importance et l’étendue des capacités de cet équipement imposent que son analyse soit effectuée selon au moins 3 axes principaux : stratégique, qui établit sa raison d’être ; technologique, qui signifie un changement de plateformes pour le Brésil ; et sa contribution pour le développement d’une industrie nationale de défense, qui mènera le pays à l’auto-suffisance dans le projet et dans la fabrication de son propre matériel militaire.

 I. Aspects stratégiques

Dans le contexte de la guerre navale, le sous-marin est le moyen qui, parmi tous, présente le meilleur rapport coût/bénéfice. Son avantage principal de sa capacité à rester caché, ce qui, en termes militaires, signifie effet de surprise, un des grands facteurs de force dans toute confrontation. Les radars ne peuvent détecter ce qui naviguent au-dessous de la surface de l’eau et, parmi toutes les formes connues d’énergie, la seule qui réussit à se propager significativement dans la masse liquide est l’énergie acoustique. Ainsi, seules les ondes sonores émises par des sonars peuvent, dans l’eau, permettre la détection du sous-marin. Néanmoins, en application des lois mêmes de la physique, le son ne se propage pas dans l’eau en ligne droite, mais selon certaines règles, en fonction de paramètres mesurables, en produisant de grandes « zones d’ombre », où le son ne pénètre pas avec une intensité appréciable. L’exploration rapide du phénomène permet au sous-marin de se confondre avec l’environnement où il opère, en préservant son invisibilité et en déséquilibrant le conflit à son profit, de telle manière qu’il faut un ensemble de moyens navals de surface et aéronavals pour s’opposer, avec quelque espoir de succès, à un seul sous-marin.

C’est à cause de cette supériorité intrinsèque, résultant de la capacité de rester caché, que le sous-marin est devenu, historiquement, l’arme qui a affronté un adversaire qui dominait les mers, comme par exemple l’Allemagne au cours de 2 guerres mondiales, et de l’Union Soviétique pendant la Guerre Froide. Il convient de remarquer néanmoins que, si d’une part, le sous-marin peut neutraliser des forces navales de loin supérieures, il ne peut pas les remplacer dans leurs capacités respectives.

 Sous-marin classique et sous-marin nucléaire

Quand on parle des sous-marins, il faut les séparer en deux grandes catégories : ceux à propulsion classique (diesel-électrique) et ceux à propulsion nucléaire.

Pour les sous-marins classiques, la source d’énergie est le diesel, combustible qui fait fonctionner les ensembles de moteurs de propulsion et de générateurs électriques. L’énergie produite est alors stockée dans de grandes batteries qui, au total, pèsent 250 tonnes. Outre répondre à toutes les exigences de la vie à bord, cette énergie est utilisée pour la propulsion permettant le déplacement du sous-marin.

Les sous-marins classiques doivent périodiquement révéler leur position puisqu’ils doivent, à intervalle régulier, recharger leurs batteries. Pour cela, ils doivent se rapprocher de la surface de la mer et, au moyen d’un équipement spécial, appelé le schnorchel, aspirer l’air atmosphérique, pour permettre le fonctionnement des moteurs diesel et le renouvellement de l’air ambiant. Pendant ce temps, en fonction des parties exposées au-dessus d’eau, ils se rendent vulnérables, en pouvant être détectés par les radars des avions ou des navires. Pour limiter cette exposition, ils doivent économiser au maximum l’énergie, ce qui limite leur mobilité. Donc, ils sont employés généralement utilisé dans une stratégie de position, c’est-à-dire, qu’ils sont placés dans un secteur limité, où ils restent en patrouille, à basse vitesse. En raison de cela et grâce à leurs dimensions réduites, qui leur permettent de manœuvrer dans des eaux peu profondes, ils sont normalement employés le long des côtes. La dépendance vis-à-vis de l’air atmosphérique et la mobilité réduite sont les grandes limitations des sous-marins classiques.

Pour les sous-marins nucléaires, la source d’énergie est un réacteur nucléaire, dont la chaleur produite vaporise de l’eau, ce qui permet l’utilisation de cette vapeur dans des turbines. Selon les caractéristiques particulières à chaque type de sous-marin, les turbines peuvent actionner des générateurs électriques ou directement l’arbre d’hélice lui-même. Naturellement, dans tous les cas, ils produisent toute l’énergie nécessaire à la vie à bord.

Contrairement aux sous-marins classiques, les nucléaires disposent d’une mobilité élevée. Cette caractéristique est fondamentale pour la défense des eaux océaniques éloignées (eaux profondes). Posséder une source virtuellement inépuisable d’énergie et pouvoir naviguer à des vitesses élevées, en parcourant rapidement des zones géographiques très étendues, sont employés selon une stratégie de mouvement. En raison de ces caractéristiques, ils peuvent arriver en tout endroit de la planète en très peu de temps, ce qui, dans l’équation de l’adversaire, signifie pouvoir être partout en même temps. Le sous-marin nucléaire est simplement le « seigneur des mers ».

 Les sous-marins dans la stratégie navale brésilienne

Très tôt, la Marine du Brésil a compris l’importance de ces moyens. C’est pourquoi elle possède des submersibles dans sa flotte depuis 1914, ce qui place notre Force de Sous-marins entre les plus anciennes du monde. Au cours des 75 premières années, nos sous-marins étaient construits dans d’autres pays : initialement, en Italie, du début jusqu’aux années 1950, quand nous avons commencé à utiliser des sous-marins américains. À partir des années 70, les États-Unis ayant cessé la production des sous-marins classiques, nous avons commencé à acheter des sous-marins en Grande-Bretagne, et, depuis la fin des années 80, nous utilisons des sous-marins de conception allemande, un d’entre eux fabriqué en Allemagne et quatre autres au Brésil.

En considérant l’ampleur de l’Atlantique Sud, théâtre naturel de nos opérations navales et la grandeur de nos intérêts dans la mer, la Marine a constaté, dès lors, que, dès qu’il s’agissait des sous-marins, la possession de conventionnelles n’était pas suffisante. Pour accomplir sa mission constitutionnelle de défendre la souveraineté, l’intégrité territoriale et les intérêts maritimes du Pays, il devenait nécessaire de disposer, aussi, de sous-marins nucléaires. Ceux-là, en raison de leurs particularités, principalement utilisés dans des secteurs littoraux, dans des zones de patrouille limitées. Ceux-ci, grâce à leur exceptionnelle mobilité, pour la garantie de la défense avancée de la frontière maritime plus éloignée.

En raison de la nécessité stratégique, d’une part et, d’autre part, de l’« apartheid » technologique qui a toujours refusé nié le développement des technologies associés au domaine de l’atome aux pays périphériques, la marine du Brésil a décidé de développer, de manière autonome, la technologie de construction de sous-marins nucléaires.

Ainsi, depuis la fin de la décennie 70, la marine du Brésil a mené, dans les dépendances de son Centre Technologique de la Marine à São Paulo, un programme de développement de technologie nucléaire, en visant, d’une part, le domaine du cycle du combustible nucléaire, qui a été maîtrisé en 1982 ; par autre, la construction d’un prototype de réacteur nucléaire capable de produire de l’énergie pour faire fonctionner l’usine de propulsion d’un sous-marin nucléaire, ce qui n’est encore pas fait, avec une mise en service opérationnel prévue pour 2013.

En parallèle, pour pouvoir construire des sous-marins, il a tenté dans le même temps d’obtenir, en Allemagne, le transfert de technologie de construction de sous-marins, en choisissant pour cela le sous-marin U-209, à l’époque le modèle plus vendu dans le monde. Un sous-marin a ainsi été construit dans les chantiers navals de HDW, à Kiel, et quatre d’eux à l’Arsenal de Marine de Rio de Janeiro (AMRJ). La marine brésilienne devenait un des membres du petit cercle de pays construisant des sous-marins.

Cependant avoir remporté le succès dans la construction, la marine n’avait pas la capacité de développer des projets de sous-marins. L’étape suivante sur le chemin conduisant à un sous-marin nucléaire a été, à partir du projet de sous-marin classique, d’évoluer, par étapes, vers un sous-marin nucléaire, dont les caractéristiques, en termes de technologie et de contrôle de qualité, dépassent de très loin ceux d’un sous-marin classique. Aussi, le chemin naturel pour le Brésil est, de la même manière, de développer des prototypes successifs, jusqu’à arriver à un projet abouti, pouvant recevoir un réacteur nucléaire. Comme elle ne dispose ni du temps ni des ressources nécessaires pour agir de telle façon, la solution retenue par la marine brésilienne, afin de sauter des étapes sans remettre en cause la sécurité, a été de rechercher des partenariats stratégiques avec des pays détenteurs de ces technologies et disposés à les transférés. Dans notre cas, en vue du processus évolutif indispensable, le partenariat devrait être recherché auprès de pays qui produisaient, simultanément, des sous-marins classiques et nucléaires. Après un long et précis processus de choix, la France a été le pays sélectionné.

 La signification de la possession d’un sous-marin nucléaire

Depuis l’annonce de l’existence de réserves de pétrole au large des côtes brésiliennes, nombreux sont ceux qui se demandent si ces découvertes ont influencé dans la reprise de l’investissement dans le sous-marin nucléaire.

Néanmoins, il convient de remarquer que, depuis le début, le programme n’a jamais été interrompu par la Marine. Même entre les années de 1994 à 2006, quand a été constaté l’insuffisance des ressources financières, la marine brésilienne a tenté de maintenir vivant le programme, malgré un état presque végétatif, avec le sacrifice exclusif du budget de la Force. Si le programme avait été interrompu, le coût de la reprise aurait simplement été inaccessible. Le changement survenu, à partir de 2007, a été la source de ressources gouvernementales plus importantes, fruit d’une nouvelle vision politique de l’actuelle administration, au plus haut niveau du Pays.

Néanmoins, l’évolution du « statut quo » est survenue avant l’annonce des découvertes des gisements off-shore qui, néanmoins, souligne seulement encore davantage, sa nécessité. Plus de 90% de notre pétrole — deux millions de tonneaux par jour — sont extraits de la mer. De la même manière, plus de 95% de notre commerce extérieur — environ 300 milliards $, exportations et importations confondues — est transporté par voie maritime. Aussi, nos eaux territoriales, que nous avons l’habitude d’appeler l’Amazonie Bleue, couvre, dans l’imensité de la masse liquide et du vaste territoire submergé, des millions de kilomètres carrés, de richesses biologiques et minérales, largement menacées par l’exploration prédatrice et convoitise internationale.

Comme on le voit, les intérêts maritimes du Brésil sont d’une telle grandeur, qu’ils doivent être confiés à la protection de la Marine. Le manque de moyens de défense, face à une telle richesse, peut finir par constituer une invitation à des actions portant atteinte à la souveraineté nationale. À partir de là, une Force Navale capable de les décourager est donc nécessaire.

Dans le cas du sous-marin nucléaire, il est évident que son action spécifique ne devra pas être cantonnée au rôle de « sentinelle » autour des gisements de pétrole, comme certains l’imaginent. En vérité, l’important n’est pas ce qu’il va faire, mais ce qu’il peut faire. Et il peut, par sa seule existence, être suffisant pour produire une bonne partie des effets désirés avec sa possession. Comme on le sait, notre Zone Économique Exclusive couvre environ 4,4 millions de kilomètres carrés. C’est pour être, en temps et en heure, en tout point de cette large zone océanique, que nous avons besoin d’un sous-marin nucléaire. Plus encore, les intérêts du Brésil, en mer, ne finissent pas aux limites de l’Amazonie Bleue. Ils s’étendent en tous points où un navire navigue sous notre drapeau, dont la protection est un devoir inaliénable de l’État Brésilien.

C’est là, l’importance stratégique de la construction du sous-marin nucléaire.

 II. Le saut technologique

Un des aspects les plus remarquables du programme de construction du sous-marin à propulsion nucléaire concerne le saut technologique. Grâce au transfert de technologie, il donnera au Brésil la capacité de développer et de construire ses propres projets à l’avenir.

Pour faciliter la compréhension du projet, voici dans des lignes générales, les principes de base :

1) Transfert de technologie du projet de sous-marins

a) A l’entrée en vigueur du contrat, seront envoyés en France quelques ingénieurs navals brésiliens qui, conjointement avec les Français, pendant un an vont introduire des modifications dans le projet du sous-marin classique brésilien (S-BR) (version nationale du modèle « Scorpène » français), pour que celui-ci prenne en compte certaines conditions opérationnelles de la marine brésilienne, en particulier le besoin d’une plus grande autonomie et des intervalles plus importants entre les périodes d’entretien. Cela rendra leurs caractéristiques plus compatibles avec les dimensions de l’Atlantique Sud ;

b) À partir de six mois après la date d’entrée en vigueur du contrat, seront envoyés en France d’autres ingénieurs navals brésiliens, qui suivront des cours de 18 mois de conception, culminant avec un travail tournant autour d’un projet réel de sous-marin classique, avant de retourner au Brésil ;

c) Un petit groupe d’ingénieurs fera des stages de trois ans dans la Société « Thales », fabricant du système de combat du sous-marin (sonars, direction de tir, etc), où ils recevront toute la technologie nécessaire au développement et à l’entretien du système ;

d) De la même manière, nous aurons des ingénieurs qui resteront deux ans dans l’usine de torpilles, pour apprendre les technologies ; et

e) Après le retour du second groupe (point b), des ingénieurs et des techniciens français resteront au Brésil pendant cinq ans, en participant au développement du projet du premier sous-marin nucléaire brésilien. Commentaire : la partie afférente au réacteur nucléaire et son compartiment sera entièrement de responsabilité brésilienne.

2) Transfert de technologie de la construction des sous-marins

a) Le sous-marin est construit dans 4 sections. La première section du premier sous-marin sera construite au chantier naval de Cherbourg, en France, avec la participation de l’équipe de construction de sous-marins de l’arsenal de Rio de Janeiro, qui apprendra les méthodes, normes et procédures françaises de construction, différentes du système allemand, auxquelles ils sont déjà habitués ;

b) De retour au Brésil, ce groupe constituera le noyau de transfert de technologie pour la Société exprès Spécifique (SPE), qui sera constituée pour opérer le nouveau chantier naval pour la fabrication des nouveaux sous-marins ; et

c) Après cette phase, le groupe agira, pour la marine nationale, comme des garants du contrôle de qualité.

3) Transfert de technologie, moyen de la nationalisation

a) Environ 20 pour cent de tout le matériel employé dans les sous-marins seront produits au Brésil, même les systèmes complexes. Ce sont environ 36.000 équipements qui seront fabriqués ici ;

b) Au cours des négociations, il a été obtenu que tout ce qui pouvait être produit au Brésil, à coûte équivalent ou inférieur à celui de la France, serait fabriqué ici. Au cas où le produit serait déjà commercialisé, il serait simplement acheté et incorporé à l’ensemble de matériels. Dans le cas contraire, la technologie de production serait transférée à la société sélectionnée, qui, alors, le fabriquerait ; et

c) Dans ce processus, depuis le début, la marine brésilienne a adopté la position de ne pas indiquer de société. Il appartiendra aux Français de les sélectionner, conformément à des critères propres, de les qualifier et de les homologuer. La marine du Brésil ne privilégierait pas ou ne rejetterait aucune société, évitant ainsi d’interminables controverses futures. Toute autre manière obligerait à lancer un appel d’offres, pour la procédure de sélection qui, au minimum, retarderait trop le processus, compte-tenu des budgets et des procédures légales pouvant être lancées par des sociétés déqualifiées ou perdantes.

Le résultat a bon puisque, sur un total initial de plus de deux cents sociétés, la France a déjà sélectionné et négocie avec plus de trente sociétés, et des dizaines d’autres sont candidates.

Dans des lignes suffisamment générales, voila ce que sera le processus de transfert de technologie. Néanmoins, ce qui est décrit ici en quelques lignes, occupe plus de 300 pages d’une annexe spécifique du contrat signé entre les parties.

 III. Le développement d’une industrie nationale de défense

Dans tous les pays développés, il existe une industrie de défense, un responsable du développement et de la construction du matériel militaire, en faisant attention aux conditions établies par les Ministères de la Défense et les États-majors des respectives Forces armées. Les Forces elles-mêmes développent, dans certains cas, des prototypes de ce qu’ils désirent, mais la production revient toujours à l’industrie.

Des pays qui ne possèdent pas un tel parc industriel spécifique, se voient obligés d’importer des matériels fabriqués par autres, selon des spécifications qui pourront respecter tout ou partie de leurs nécessités et, ils devront payer le prix, souvent, politique du produit.

Le Brésil occupe une situation intermédiaire. Il achète des matériels d’occasion ou il construit des matériels nouveaux, moyennant l’acquisition du droit d’utilisation du projet, comme c’est arrivé pour l’Arsenal de la Marine à Rio de Janeiro (AMRJ), dans le cas des Frégates Classe Niterói (modèle Vosper MK-10 Britannique) et des sous-marins Classe Tupi et Tikuna (modèle U-209 allemand).

Dans le cas des nouveaux sous-marins, même nucléaires, au lieu d’être construits à l’AMRJ, la construction se déroulera dans un nouveau chantier naval dédié, respectant tous les conditions environnementales et de contrôle de qualité pour la construction d’un sous-marin nucléaire, comme c’est le cas dans les quelques pays qui les construisent. La mise en œuvre de ce chantier naval restera à charge d’une Société exprès Spécifique (SPE), formée par le Consortium Constructeur, c’est à dire les Sociétés « Direction des Constructions Navales Services » (DCNS) et ODEBRECHT (partenaire sélectionné par DCNS) et le Gouvernement Fédéral, représenté par la Marine brésilienne, laquelle possédera une action, d’une valeur symbolique de 1%, constituera cependant une « Golden Share », lui conférant un droit de veto sur d’éventuelles décisions avec lesquelles il ne serait pas d’accord. Ainsi sont créées les conditions nécessaires pour le développement d’une industrie nationale de défense, particulièrement avec un indice de nationalisation espéré important et augmentant.

 IV. Conclusion

Il n’y a pas de doute que, en temps que pays, le Brésil est au seuil d’une nouvelle ère.

Pendant la Guerre froide, avec sa bipolarité caractéristique, l’importance stratégique d’un pays périphérique était directement associée aux possibles conséquences de son adhésion à l’autre bloc, ou seulement ce que cela aurait vraiment signifié en fonction de sa localisation géographique dans des secteurs stratégiques ou de la disponibilité de certaines matières premières. Ce n’était pas le cas du Brésil qui, pendant la seconde moitié du 20è siècle, s’est trouvé exclu de l’axe stratégique du monde. Dans la décennie qui a suivi la fin du bloc soviétique, il y a eu une période de transformation, de mondialisation, qui a peu modifié notre situation.

Néanmoins, en ce début de 21è siècle, inauguré avec l’attaque sur les tours du World Trade Center et la présente crise financière internationale, dont les conséquences ne sont pas encore suffisamment clairs, il semble y avoir un changement dans l’axe stratégique du monde, afin d’impliquer plus profondément le Brésil. Cependant, à la fin de cette crise, il restera seulement une superpuissance militaire, les États-Unis de l’Amérique (E.U.A.). Dans d’autres secteurs, il semble qu’il y aura une certaine redistribution du pouvoir, particulièrement dans le secteur financier, avec l’entrée en scène d’acteurs qui ont gagné du poids et de l’influence en économie, finances et commerce mondiaux, comme le Brésil, la Russie, l’Inde, la Chine et la Corée du Sud, par exemple. Avec cela, le Brésil acquiert une plus grande importance, en se déplaçant de la périphérie pour se rapprocher du centre.

Il y a autres facteurs, liés à la pénurie de certaines matières premières et produits, qui semblent accentuer encore davantage cette force de gravité qui l’entraîne vers le centre, puisque, dans une large mesure, les solutions impliquent significativement le Brésil.

La première d’entre elles est l’eau douce, qui devient un des biens les plus rares au monde, avec des conséquences sur la production d’aliments et provoquant des conflits entre des nations. Dans certains secteurs, comme le Moyen-Orient et l’Afrique, c’est déjà la raison de conflits. Entretemps, le Brésil concentre, dans ses fleuves, autour de 12% de l’eau douce du monde (sans compter des nappes phréatiques), en plus d’abriter le plus grand fleuve en taille et en volume de la planète, l’Amazone.

Directement lié au problème de l’eau, il y a la question de la pénurie d’aliments. Néanmoins, plus de 90% du territoire brésilien reçoit des pluies abondantes, pendant toute l’année, et les conditions climatiques et géologiques rendent propice la formation d’un réseau étendu et dense de fleuves, ce qui, associé à l’abondance du soleil tropical, contribue à une agriculture de production à grande échelle, réellement capable de rendre le Brésil un des grands producteurs mondiaux.

L’autre crise qui se fait déjà aiguë est la crise énergétique. Malgré la chute momentanée du prix du pétrole, sa pénurie risque de se faire rapidement sentir. Pendant le 20è siècle, nous avons été importateurs, avec de graves conséquences sur notre balance des paiements et sur l’économie nationale. Aujourd’hui, outre vivre dans une relative autosuffisance, nous créons une nouvelle réalité dans le calcul des réserves mondiales, avec la découverte de pétrole off-shore.

Toujours dans le contexte énergétique, dans quelques années, l’énergie nucléaire sera considéré comme « une forme d’énergie propre », puisqu’elle ne participe pas à l’effet de serre. Et le Brésil possède des réserves considérables d’uranium et maîtrise son processus d’enrichissement.

Comme si cela ne suffisait pas, nous sommes détenteurs de technologie de pointe, nous avons le sol, le climat et le soleil en abondance, pour la production de biocombustibles.

Finalement, mais pas en dernier, nous avons l’Amazonie, soit par sa biodiversité, soit par son influence sur le climat mondial et, sur laquelle la souveraineté brésilienne n’est pas remise en cause et qui représente un énorme engagement national pour la préserver, en contrôlant toute dévastation.

Comme on le remarque, le Brésil périphérique de la seconde moitié du 20è siècle n’existe plus. Le Brésil du 21è siècle occupe une position plus proche des pôles stratégiques du monde, ce qui signifie que, de plus en plus, indépendamment de sa volonté, il se verra, fréquemment, impliqué dans des conflits mondiaux.

En raison de cela, ce sera indispensable de disposer de moyens suffisants, capables de rendre la voie diplomatique plus attrayante, pour la solution de conflits, plutôt que le chemin de la pression inacceptable, de la menace ou de mesures imposées.

Dans ce domaine particulier, la possession de sous-marins nucléaires est seulement un premier pas. Le dimensionnement des Forces armées devra rester connecté avec la grandeur et la signification économique du Pays dans le concert des nations, sous peine de priver les générations futures d’un avenir à la hauteur de l’Histoire de la Nation.

En résumé, cette analyse présente, dans la vision de la Marine du Brésil, l’importance de la construction du sous-marin à propulsion nucléaire brésilien.

Amiral d’escadre Julio Soares de Moura Neto

Commandant de la marine du Brésil

Source : Defensa Brasil (Brésil)