La transformation des SNLE dans l’US Navy

  • Dernière mise à jour le 2 mars 2009.

Avec la fin de la Guerre Froide et la monté du terrorisme, l’US Navy a considéré qu’elle n’avait plus besoin de 18 sous-marins nucléaires lanceurs d’engins (SNLE) pendant qu’un nouveau besoin apparaissait pour une plateforme spécialisée dans les opérations spéciales et le lancement de missiles de croisière. Le résultat : 4 SNLE ont été transformés en SSGN (sous-marins nucléaires lanceurs de missiles de croisière), en commençant par le premier de la classe des SNLE Trident, l’Ohio.

Le Michigan, le Georgia et le Florida ont été convertis après l’Ohio. L’Ohio est revenu en décembre à son port-base de Bangor (état de Washington) de son premier déploiement — 14 mois et demi après son appareillage. Le Michigan a appareillé en novembre de Bangor. Le Georgia sera déployé en juillet ; le Florida en mai. Ces 2 derniers sont basés à Kings Bay (Georgie).

La base avancée de l’Ohio et du Michigan est Guam ; le Florida et le Georgia opèrent depuis Diego Garcia dans l’océan Indien. Tous les 4 peuvent être envoyés rapidement sur d’autres théâtres d’opération.

Le déploiement de l’Ohio a duré 2 mois et demi de plus que la normale. Il est resté en mer jusqu’à ce que le Michigan soit prêt pour son premier déploiement. Depuis Guam, l’Ohio a effectué des missions standard de 90 jours, les équipages “bleu” et “or” se succédant selon la coutume des sous-marins nucléaires. Au cours d’un déploiement, l’Ohio effectue généralement une ou 2 missions “d’intérêt national”, que le Capt. Chris Ratliff, le premier commandant du SSGN Ohio, a qualifié de “hautement classifiées” et d’“extrêment pertinentes” au cours d’une interview à son bureau de la base navale de Kitsap.

Chaque SSGN est équipé de 105 missiles de croisière Tomahawk. Il peut aussi accueillir 66 commandos des forces spéciales. Les missiles are “attachés” aux engagements Tomahawk, mais aucun n’a été lancé au cours du déploiement de l’Ohio, a indiqué Ratliff. Les missions des forces spéciales sont une autre chose ; Ratliff ne pouvait discuter de ces missions mais a expliqué qu’elles constituaient des “opérations de sécurité de théâtre” en coopération avec des alliés.

Il y a une ou 2 missions d’intérêt national dans chaque période opérationnelle ou ensemble de missions, que Ratliff a décrit comme “des missions très spécifiques aux SSGN dans le cadre de la guerre contre le terrorisme.” Il y a eu 4 ensembles de missions pendant le déploiement de l’Ohio. Aucune des missions d’intérêt national n’était des missions d’opportunité mais étaient des missions conçues spécifiquement pour les capacités des SSGN.

L’Ohio n’est pas un petit sous-marin. Il mesure 170 m de long et déplace près de 19.000 t en plongée, le double d’un croiseur de la classe Ticonderoga [1]. La taille de l’Ohio n’avait pas d’importance lorsqu’il remplissait sa mission original de SNLE ; la haute-mer était son domaine pour ses missiles Trident II D-5 à longue-portée. Mais sa nouvelle mission de plateforme de soutien pour des opérations spéciales a conduit certains à s’interroger non seulement sur la capacité du SSGN à opérer dans des eaux peu profondes pour débarquer des troupes des forces spéciales, mais aussi sur le coût de l’opération.

Ratliff a expliqué que l’utilisation du SEAL Delivery Vehicle (SDV) et de l’Advanced SEAL Delivery System (ASDS) donnait aux équipes SEAL de la Navy toute la flexibilité et les capacités dont elles avaient besoin pour rejoindre la terre. L’ASDS est un mini-sous-marin transporté sur le dos du SSGN, il a un rayon d’action d’environ 100 nautiques, suffisamment pour laisser le SSGN au large, aussi près ou aussi loin que le commandant le décide. 6 sous-marins nucléaires d’attaque de la classe Los Angeles ont été modifiés pour pouvoir accueillir l’ASDS et tous les SNA de la classe Virginia peuvent le transporter. L’ASDS a un équipage de 2 personnes et transporte 16 commandos SEAL et leur matériel. Le SDV est un mini-sous-marin qui transporte 4 SEAL et leur matériel. Mais ils doivent utiliser du matériel de plongée pour respirer et non sont pas abrités comme dans l’ASDS.

Les capacités du SSGN sont la clé, a souligné Ratliff, en le distinguant des SNA Los Angeles ou Virginia. Les SSGN peuvent accueillir 66 SEAL contre une poignée sur les SNA. Les SSGN sont équipés de 105 missiles de croisière Tomahawk, contre 12 sur les Virginia.

Les sceptiques s’inquiètent aussi de la menace que représentent la nouvelle génération de sous-marins classiques diesel plus discrets et à propulsion anaérobie, comme les récents Kilo russes, en particulier pour les SSGN opérant dans des eaux peu profondes. Ratliff reconnait que ces sous-marins sont un “défi, mais ce sont un défi gérable.”

Près de la côté, l’environnement est plus adapté pour les sous-marins classiques, et les SSGN “entrent dans leur tannière”, explique Ratliff. Mais les SSGN sont équipés des plus récents sonars et systèmes de combat, dont Ratliff dit qu’ils sont la clé pour opérer dans l’“environnement de mission contesté” des eaux peu profondes. Plus encore, “la longueur de bras du SSGN est plus importante que celle d’un classique”, ce qui donne l’avantage au SSGN.

Les plans de l’US Navy ne prévoyaient que la conversion de 4 SSGN, mais Ratliff a indiqué qu’elle envisageait déjà le remplacement des SNLE et des SSGN, puisque leur fin de vie s’approche.

Et pour le prix de la conversion dont se plaignent les critiques ? Le coût de la conversion d’un SSGN est d’environ 650 millions $, plus environ 350 millions pour la refonte et le rechargement du coeur, qu’il faut comparer aux plus de 2 milliards $ pour un SNA de la classe Virginia, a indiqué Ratliff. Pour 1 milliard, la Navy obtient une plateforme qui dispose de plus de 9 fois la puissance de feu et beaucoup plus de forces spéciales. Les SSGN ont une durée de vie de 20 ans.

Dans les forces armées d’aujourd’hui, ce milliard est probablement un des meilleurs investissements réalisés.

Notes :

[1Un SNLE français mesure 138 m de long et déplace 14.300 t en plongée.

Source : Armed Forces Journal (Etats-Unis)