Que s’est-il passé à bord du Nerpa ?

  • Dernière mise à jour le 10 novembre 2008.

Un accident à bord du sous-marin nucléaire Nerpa a fait 20 morts, le plus grand nombre depuis le naufrage du sous-marin Koursk en 2000. La presse russe et internationale mettent cette tragédie en première page parce qu’elle est arrivée à bord d’un sous-marin nucléaire, ce qui engendre de nombreuses rumeurs.

Nous ne connaîtrons les détails complets que lorsque la commission gouvernementale terminera son enquête, mais nous pouvons discuter de l’essence de la tragédie. D’abord, pour être clair, le sous-marin n’était pas en mission de combat, mais il effectuait encore des essais.

Ce qui est arrivé à bord du Nerpa était une catastrophe, un accident qui a provoqué des pertes de vies humaines. Officiellement, la tragédie a été provoqué par la mise en œuvre non autorisée du système d’extinction des incendies.

Les sous-marins russes sont équipés de 2 systèmes d’extinction des incendies, un système à mousse pour éteindre les feux de faible ampleur, et un système d’étouffement pour les incendies en 3 dimensions (sauf les feux de poudre et de munition), qui libère du fréon ou un de ses dérivés dans le compartiment, remplaçant l’oxygène pour éteindre le feu.

Le fréon est très efficace pour éteindre les feux en 3 dimensions mais il est hautement toxique. Il constitue par conséquent un risque pour tous ceux qui entrent en contact avec lui. Ce risque élevé à bord d’un sous-marin est en partie compensé par le port par l’équipage d’un appareil respiratoire portable.

Une validation manuelle est nécessaire pour activé le système de diffusion du fréon à bord d’un sous-marin de 3è génération, comme le sous-marin d’attaque Nerpa de la classe Akula II. Il y a eu par le passé un cas où le fréon a été diffusé dans le mauvais compartiment. C’est arrivé en 1976 sur le sous-marin K-77 et était dû à une erreur de montage pendant des réparations. Au chantier naval, un mauvais chiffre avait été peint sur le mauvais système.

Tous les sous-marins russes utilisent ce système, et nous devons considérer que le Nerpa l’utilise puisqu’il n’y a pas eu d’informations contraires.

Les membres d’équipage ont accès à des appareils respiratoires portables, qui permettent une survie de 10 à 30 minutes selon l’intensité de la respiration. L’oxygène est consommé plus rapidement lorsqu’on effectue un travail dur.

Le poste central ne peut ordonner une diffusion de fréon que si l’alarme incendie retentit ou s’ils ont reçu l’information nécessaire verbalement, par le système d’interphones. Il est exact que le système d’alarme incendie fonctionne parfois mal, ce qui souligne l’importance des communications entre le poste central et le compartiment touché. La diffusion du fréon n’est pas automatique lorsque l’alarme incendie se déclenche. Le Nerpa n’a été terminé que récemment et effectuait ses essais à la mer, ce qui explique pourquoi il y avait à bord 81 marins et plus d’une centaine de spécialistes — travailleurs et ingénieurs du chantier, 208 au total. La plupart des civils n’ont pas les compétences de survie des militaires, mais ils travaillent avec des marins pendant les essais pour évaluer les systèmes.

Qu’est-il arrivé à l’avant du sous-marin, là où les torpilles sont stockées ?

Les autorités disent que les 21 blessés n’ont pas de brûlures, ce qui laisse supposer qu’il n’y avait pas d’incendie. Il pourrait y avoir eu des sources mineures de flammes et par conséquent de la fumée dans le compartiment, ce qui aurait déclenché l’alarme incendie. Suite à cette alarme, le poste central ou quelqu’un dans le compartiment pourrait avoir décidé de diffuser le fréon dans le premier et le second compartiments.

Cela a rendu l’atmosphère dans le premier (et peut-être le second) compartiment irrespirable et mortelle. Sur le nombre total de victimes (41), 36 étaient des civils qui ont probablement été affectés parce qu’ils n’étaient pas formés ou, moins probablement, à cause du nombre limité d’appareils respiratoires.

Les travailleurs et les ingénieurs participant à la construction et aux essais d’un sous-marin devraient être formés aux procédures de survie, dont l’incendie et la diffusion possible de fréon.

Et enfin, pourquoi y avait-il 3 fois plus de personnes à bord pendant les essais ? La surpopulation peut seulement conduire au désordre et à la panique.

Nous pouvons seulement espérer que les conclusions adéquates seront tirées de la tragédie, et que cela ne se répétera pas sur le Nerpa ou sur tout autre sous-marin.

Par Ilya Kramnik, commentateur militaire de RIA Novosti.

Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l’auteur et ne représentent pas nécessairement celles de RIA Novosti.

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